13 février 2017

L’Acoustic Lousadzak au Studio de l’Ermitage

Le 11 janvier 2017, à l’occasion de la sortie de Need Eden, Claude Tchamitchian et l’Acoustic Lousadzak jouent les trois suites du disque au Studio de l’Ermitage.


L’histoire de Lousadzak commence il y a plus de vingt ans : en 1994, Tchamitchian et son septet publient Lousadzak – « émergence de la lumière », en arménien – chez Emouvance, label que le contrebassiste a créé l’année précédente. Cinq ans plus tard, avec un orchestre de quatorze musiciens, le Grand Lousadzak, Tchamitchian sort Bassma Suite (« suite du sourire »). En 2006, l’octet New Lousadzak enregistre Human Songs (« chansons humaines »). Pour Need Eden (« besoin d’éden »), Tchamitchian a formé un big band de dix musiciens, l’Acoustic Lousadzak.

























Seuls Stephan Oliva (Bassma Suite) et Rémi Charmasson (Human Songs) ont déjà fait partie d’un Lousadzak. Géraldine Keller tenait déjà la partie vocale dans Traces, album cousin de Need Eden que Tchamitchian a sorti en avril 2016. Régis Huby et Guillaume Roy font également partie des proches du contrebassiste (Ways Out, Amarco…). Fabrice Martinez, Catherine Delaunay et Roland Pinsard ont rejoint l’Acoustic Lousadzak plus récemment, mais appartiennent quand même au cénacle. 


Dans la lignée de Traces, disque-hommage aux arméniens inspiré de Seuils, le livre de Krikor Beledian, Need Eden est aussi une œuvre introspective. Après être parti à la recherche des origines, Tchamitchian se penche sur l’avenir au-delà : « Les Promesses De l’Aube », « Imaginer L’Éternité » et « Rire De Mourir » introduisent les trois suites… Chacune des suites – « Éveil », « Lumières » et « Passage » – est constituée de trois mouvements, tous signés Tchamitchian. Au départ, nous explique le contrebassiste, l’idée était de composer une suite autour de C’est égal, un recueil de nouvelles publié par Agota Kristof  en 2005. Finalement, c’est Christine Roillet qui a écrit les textes sur les compositions de Tchamitchian. Quant au titre du disque, il est tiré d’une œuvre pour deux danseurs, contrebasse, sons et violon réalisé en 2007 par Michael Nick.


























Après la présentation des musiciens, le tentet débute le concert avec « Les promesses de l’aube », le premier mouvement de la première suite, Eveil. Ils enchaînent « Peur » et « Montagnes intimes ». Si l’Accoustic Lousadzak s’aventure résolument dans les territoires de la musique contemporaine, les lignes mélodiques rappellent la musique du début du vingtième et s’appuient sur des pédales, des bourdons et autres tourneries qui évoquent parfois la musique médiévale. Oliva aligne des clusters, des phrases dissonantes et des crépitements, Huby, Roy, Pinsard et Delaunay croisent leur voix avec finesse, Perraud fait chanter sa batterie, tandis que la trompette bouchée de Martinez pleure et que Tchamitchian apporte une touche de gravité… Comme dans Traces, Keller passe d’un texte scandé à des vocalises gutturales, le tout dans une atmosphère tendue.


Le démarrage de Lumières, la deuxième suite, s’apparente à la musique concrète avec des échanges bruitistes entre toutes les voix. La clarinette introduit progressivement la mélodie, puis « Imaginer l’éternité » se mue en un chant solennel avec Keller et les soufflants à l’unisson, sur une batterie touffue, mais toujours subtile, soutenue par une pédale, puis un riff des cordes. L’ambiance reste intense et après un passage par des jeux foisonnants dans une veine contemporaine, Keller déclame un texte, comme un récitatif religieux, simplement souligné par la trompette. Suivent une danse quasi-folklorique, un solo de clarinette a capella free – sauts d’intervalles, phrases vives et déjantées, technique étendue… –, une mélodie rubato entraînante, un solo de batterie musical à souhait…  Lumière garde un esprit intimiste et émouvant. 



Passage, comme les deux premières suites, s’inscrit encore dans la musique contemporaine, y compris pour les textures sonores. La pulsation jouée par la batterie reste jazz, tandis que les clarinettes, voix, violons et alto font de fréquentes incursions dans les territoires free. Sur un ostinato d’Oliva et des contrepoints de Pinsard, à l’unisson de Martinez, Keller chante un lied dans une ambiance très début vingtième. Les mouvements partent ensuite dans des directions variées : d’un développement touffu porté par Perraud, à une ligne mélodique funky lancée par Martinez, en passant par un blues avec un solo inspiré de Charmasson…


L’Acoustic Lousadzak ne cède jamais à la facilité : Need Eden s‘appuie sur des mélodies et des chants soignés, des structures recherchées, des rythmes complexes et une palette sonore originale. Tchamitchian réussit une fois de plus sa synthèse de musique contemporaine et de jazz, pimentée de quelques ingrédients moyen-orientaux.



Le disque


Need Eden
Acoustic Lousadzak
Géraldine Keller (voc), Fabrice Martinez (tp, bg), Catherine Delaunay (cl), Roland Pinsard (cl, b cl), Régis Huby (vl), Guillaume Roy (a vl), Rémi Charmasson (g), Stephan Oliva (p), Claude Tchamitchian (b) et Edward Perraud (d, perc).
Emouvance – EMV 1038
Sortie le 11 janvier 2017



Liste des morceaux

Éveil   
01. « Les Promesses De L'Aube » (6:04).
02. « Peur » (4:57).
03. « Montagnes Intimes » (12:11)

Lumières        
04. « Imaginer L'Éternité » (8:42).
05. « Laisser, Se Laisser » (5:42).
06. « L'Ivresse Du Chemin » (6:43).

Passage          
07. « Rire De Mourir » (6:05).
08. « Encore » (6:07).
09. « De L'Autre Côté D'Où Tu Es Né » (6:28).

Toutes les compositions sont signées Tchamitchian.