11 décembre 2016

Urbex au Centre Wallonie-Bruxelles

Le 23 novembre, dans le cadre du festival #Be.Jazz, le Centre Wallonie-Bruxelles présente l’octet d’Antoine Pierre. C’est également l’occasion de fêter la sortie d’Urbex en France, chez Igloo Records

Jeune batteur, Pierre est passé par le Conservatoire Royal de Bruxelles et la New School for Jazz and Contemporary Music de New York. Il accompagne notamment Philip Catherine et fait partie, entre autres, des groupe TaxiWars et LG Collective. En 2015, Pierre monte un projet avec Jean-Paul Estiévenart à la trompette, Toine Thys aux saxophones ténor, soprano et à la clarinette basse, Steven Delannoye au saxophone ténor, Bert Cools à la guitare, Bram De Looze au piano, Félix Zurstrassen à la basse et Frédéric Malempré aux percussions. A l’occasion du concert, l’octet est au grand complet, sauf Thys, remplacé par Tom Bourgeois aux saxophones ténor et soprano et à la clarinette basse.


Pierre aime errer dans les villes – Bruxelles, New York – et s’aventurer dans les bâtiments en décrépitude, une sorte d’exploration urbaine. D’Urban Exploration à Urbex, il n’y a qu’une contraction… D’ailleurs joliment illustrée sur la pochette du disque par un montage graphique autour d’un U minéral et urbain. Pierre a écrit tous les morceaux d’Urbex. Le disque est dédié à André Pierre, grand-père du batteur, tandis que « Coffin For A Sequoia » est un hommage à George Basquiat et que « Les douze marionnettes » a été composé pour le comédien, chansonnier et marionnettiste Fancis Houtteman.

Le concert reprend cinq morceaux d’Urbex et quatre inédits. Pierre introduit la soirée par un solo de batterie d’une belle musicalité, et c’est Cools qui expose la jolie « Litany For An Orange ». Son développement aérien et la sonorité de sa demi-caisse rappellent le jeu de Kurt Rosenwinckel (d’ailleurs davantage en concert que sur disque). Zurstrassen joue une ligne de basse calme et De Looze reste minimaliste, tandis que Pierre en met partout et que les soufflants assurent les chœurs. La sonorité nette d’Estiévenart sert un discours particulièrement limpide et son solo est tendu à souhait. « Coffin For A Sequoia » est encore un beau thème, point de départ d’un dialogue élégant entre le soprano et la trompette, arbitré par le saxophone ténor et soutenu par les accords heurtés du piano et de la guitare, sur une ligne de basse qui gronde et une batterie et des percussions qui foisonnent. Pierre, Malempré et Zurstrassen installent ensuite un funk vif et dansant, qui lance « Metropolitan Adventure », un morceau citadin s’il en est : il grouille, pullule et s’emballe, avec quelques accalmies temporaires – un De Looze très Debussyste. « Les douze marionnettes » commencent dans un esprit de musique contemporaine : la guitare vibre, les percussions émettent des bruits stridents, les soufflants jouent sur leur vibrato… Une atmosphère de science-fiction plane sur le CWB. Puis un rythme entraînant s’installe progressivement et, après un détour par le Moyen Orient, la clarinette basse provoque le piano en duel… « Close Enough » porte peut-être mieux son titre initial : « Techno 1.3 ». Le solo de Pierre, entre grosse caisse et rim shot, laisse place à un ostinato et un climat saccadé qui permet à la trompette de s’envoyer en l’air ! Tout Urbex met du sien pour qu’ « Entropy » et « Spin » soient puissants et touffus avec, comme souvent, une rythmique qui pulse à fond ! L’un des inédits, « Tomorrow », a des côtés cinématographiques : unclimat dense et compact, accentué par les effets d’orgue de la guitare. La trompette se montre toujours aussi inspirée et rebondit sur les contre-chants des soufflants. Après « Who Planted This Tree? », exposé par la guitare, la basse se lance dans un solo particulièrement chantant, suivi d’un duo savoureux avec la batterie, sans oublier les interventions free des soufflants. Quant à Malempré, il s’en donne ensuite à cœur joie : des congas aux gongs, en jonglant d’un ustensile à l’autre (y compris un bol d’eau…), il donne une véritable « master class » de percussions…


Par rapport au concert, le disque ne rend évidemment pas l’énergie déployée par l’octet, mais l’équilibre et la précision de l’enregistrement permet une meilleure écoute des voix, notamment celle du piano, un peu étouffée au CWB.

Il n’y a aucun doute : Pierre s’est forgé un style tout à fait personnel ; mélodieuse, exubérante, nerveuse, entraînante… la musique d’Urbex réussit le tour de force d’être réellement originale.

Le disque


Urbex
Antoine Pierre
Jean-Paul Estiévenart (tp), Toine Thys (ts, ss, bcl), Steven Delannoye (ts), Bert Cools (g), Bram De Looze (p), Félix Zurstrassen (b), Frédéric Malempré (perc) et Antoine Pierre (d)
Igloo – IGL268
Sortie en janvier 2016

01. « Coffin for a Sequoia (to Basquiat) » (6:53).
02. « Litany For An Orange Tree » (7:04).
03. « Who Planted This Tree? » (4:48).
04. « Les Douze Marionnettes » (6:54).
05. « Urbex » (12:10).
06. « Metropolitan Adventure » (5:41).
07. « Walking On A Vibrant Soil » (5:25).
08. « Wandering #1 » (0:39).
09. « Metropolitan Adventure (reprise) » (2:06).
10. « Moon's Melancholia » (2:57).
11. « Ode To My Moon » (13:30).


Toutes les compositions sont signées Pierre.