27 septembre 2015

Daybreak - Anne Quillier 6Tet

Daybreak
Anne Quillier 6Tet
Pierre Horckmans (cl, bcl), Aurélien Joly (tp, bg), Grégory Sallet (as, ss), Anne Quillier (kbd), Michel Molines (b) et Guillaume Bertrand (d).
Label Pince-Oreilles 005/1
Sortie en janvier 2015

A chaque région, sa scène jazz : Rhône-Alpes a, entre autre, la chance d’héberger Anne Quillier. Ancienne élève du conservatoire de Chambéry, la pianiste fait partie du collectif Pince-Oreilles. Outre Watchdog, un duo avec le clarinettiste Pierre Horckmans, et Blast, un trio avec Horckmans et le batteur Guillaume Bertrand, Quillier anime également un sextet depuis 2011. Daybreak est le premier disque de cette formation, publié par le label du collectif. A Horckmans et Bertrand, s’ajoutent Aurélien Joly à la trompette et au bugle, Grégory Sallet aux saxophones alto et soprano et Michel Molines à la contrebasse.

Daybreak, un mot souvent employé par les musiciens de jazz et de blues, est un bel hommage à l’éclectisme : de Jimmy Smith (disque homonyme de 2002) à Franck Sinatra (chanson éponyme de 1963), en passant par Dave Burrell et David Murray (1989), mais aussi Pat Metheny (New Chautauqua – 1979), sans oublier le « Daybreak Express » de Duke Ellington… Huit des neuf morceaux sont signés Quillier et « Lost Continuum » est d’Horckmans. « Chanson Épique pour les superhéros injustement méconnus » est judicieusement dédié à l’auteur du neuvième art, Manu Larcenet, notamment créateur de la série culte… Blast. Quant à « Dance With Robots », Quillier le dédicace à son confrère Vijay Iyer.

Les mélodies sont séduisantes (« Last Flight »), les rythmes expressifs (« Lost Continuum »), les harmonies modernes (« La longue ascension ») et le sextet sonne comme une fanfare gaiement nostalgique (« Chanson épique… »), quelque part entre Carla Bley (« Hymne obsédant ») et Bruno Régnier (« Lignes troubles »). Remarquablement habile, la construction des morceaux mise sur des ruptures d’intensités sonores (« Dance With Robots »), des changements de climats  (latin et klezmer dans « Aaron’s Piece ») et des contrastes entre unissons (« Lost Continuum »), pédales (« Hymne obsédant »), ostinatos (« Ondes de choc ») et contrepoints (« Lignes troubles »). Même si Quillier laisse suffisamment d’espace pour que les musiciens prennent des chorus, l’entrelacs des voix et l’organisation plutôt verticale de la musique mettent en avant le groupe, plutôt que les solistes.

Aux manettes de son 6Tet, Quillier sait parfaitement doser réalisme et abstraction, tension et subtilité : Daybreak est une réussite… un point du jour étincelant !

19 septembre 2015

Time Before And Time After - Dominique Pifarély

Time Before And Time After
Dominique Pifarély
ECM – ECM 472 1563
Sortie le 28 août 2015

Si Joe Venutti est le père du violon jazz outre-Atlantique et Michel Warlop son alter ego dans le vieux continent, c’est quand même Stéphane Grappelli qui lui a donné ses lettres de noblesse. Et, au fil des années, la France est devenue la terre de prédilection des violonistes, dans tous les styles de jazz : Jean-Luc Ponty, Didier Lockwood, Florin Niculescu, Fionat Monbet, Régis Huby… et, bien sûr, Dominique Pifarély.

Pifarély explore d'abord avec Louis Sclavis une forme de jazz de chambre, notamment au sein de l'Acoustic Quartet (Pifarély, Sclavis, Marc Ducret et Bruno Chevillon). A la fin des années quatre-vingts dix, il s'oriente vers l'avant-garde contemporaine en compagnie de François Couturier (Poros – 1997). Aventure qu'il poursuit encore aujourd'hui avec son ensemble Dédales (Time Geography – 2013). Rien d'étonnant que ce féru de recherche et développement musical se lance dans un album solo, Time Before And Time After, qui sort chez ECM le 28 août 2015.

Time Before And Time After regroupe neuf improvisations extraites de concerts. Tous les thèmes de départ sont signés Pifarély à l'exception de « My Foolish Heart », le standard de Victor Young et Ned Washington (1949) qui conclut le disque.

Grand amateur de poésies, Pifarély nous apprend qu'il a conçu Time Before And Time After (titre tiré du poème Burnt Norton écrit par Thomas Stearns Eliot au début des années 30) comme un recueil de poésies et nommé les morceaux en hommage à : Mahmoud Darwich (« Sur terre » pour le poème Sur cette terre – 1986), Fernando Pessoa (« Meu ser elástico » extrait de Passagem das Horas – 1916), André du Bouchet (« L'air soudain » vient de Dans la chaleur vacante – 1991), Henri Michaux (« D’une main distraite » de Distraitement frappés, rythmes – 1982), Jacques Dupin (« Avant le regard » dans Poème – 1969), Paul Celan (« Gegenlicht », titre d’un cycle de dix-sept poèmes – 1952), Juan Gelman (« Violín y otras cuestiones » du livre éponyme – 1956) et Bernard Noël (« L’oubli », en référence au Livre de l’oubli – 1979).

Une heure d'improvisations au violon en en solo a sans doute de quoi en effrayer plus d'un... C'est oublier les sonates et partitas de Bach, les Caprices de Paganini, voire la sonate de Bartók... Références illustres, s'il en est ! Pifarély relève le défi avec brio. Les climats sont variés : d’un raga (« Sur terre ») au baroque (« Violín y otras cuestiones »), avec un crochet par la musique contemporaine (« L’air soudain ») et le jazz (« Meu ser elástico »). Bourdon et harmoniques en double-cordes, frottements de l’archet, boucles dissonantes, fourmillements de notes, saturations des aigus… côtoient des passages mélodieux d’une grande élégance. Pifarély déploie toute une panoplie de jeux avec les timbres (« Sur terre »), les intervalles (« D’une main discrète »), l’intensité (« Violín y otras cuestiones »), la matière sonore (« Avant le regard ») et les rythmes (« Meu ser elástico »).

A la limite de l’expressionisme, la musique de Time Before And Time After est expressive, joue librement avec les formes et développe des sensations proches de celles que Michaux, Pessoa, Gelman et les autres poètes recherchent dans leurs vers…


Everyday - Yaron Herman


Everyday
Yaron Herman
Blue Note – 472 0743
Sortie le 31 août 2015

Depuis Takes 2 To Know 1, duo avec le batteur Sylvain Ghio sorti en 2003 chez Sketch, Yaron Herman a enregistré Variations en solo (2006), A Time For Everything (2007) et Muse (2009) en trio pour Laborie, Follow The White Rabbit (2010), toujours en trio, et Alter Ego (2012), en quintet, sortis chez ACT. Pour son premier disque chez Blue Note, Herman revient au duo piano – batterie, en compagnie de Ziv Ravitz, déjà présent sur Alter Ego.

Le duo invite également les chanteurs Helgi Jonsson et Jean-Pierre Taïeb pour « Volcano », chanson co-signée avec Valgeir Sigurðsson (ingénieur du son de Björk). Herman propose treize morceaux, dont trois interludes : « With Open Hands », le prélude numéro 4 opus 74 d’Alexandre Scriabine et « Children Don’t Always Play Fair ». Il reprend aussi « Retrograde » du musicien électro James Blake. Un collage urbain dans un style pop art, signé du graphiste Yann Legendre, illustre la pochette d’Everyday.  

Des carrures solides (« Vista »), un touché puissant (« Everyday »), un phrasé net et précis (« Fast Life »), une acuité mélodique lumineuse (« Five Trees »)… et autant d’instruments que de mains (et de pieds pour Ravitz…) : les caractéristiques du jeu d’Herman sont là. Les motifs rythmiques foisonnent (« Point of View »), renforcés par le drumming serré (« City Lights »), tendu (« 18:26 ») et entraînant de Ravitz (« Nettish »). La musique d’Herman associe habilement des ingrédients hétéroclites : de Keith Jarrett (« Five Trees ») à Lennie Tristano (« Point Of View ») en passant par le Moyen-Orient (« Everyday »), la pop (« Vista »), le piano préparé (« Everyday »), des effets électro (« Retrograde »), du jeu dans les cordes (« Children Don't Always Play Fair »)… Avec son chant vaporeux, ses effets électro très seventies et ses chœurs de violons synthétiques, « Volcano » s’apparente un peu à de la variété pop, légèrement incongrue au milieu des autres morceaux d’Everyday. En revanche, dans l’ambiance d’abord minimaliste, puis majestueuse de « 18:26 », quand, en arrière-plan, une voix clame inlassablement « I Will Come Back », nous l’espérons bien !

Au fil des albums, en solo, en trio, en quintet ou en duo, avec des effets électro, acoustique ou avec un quatuor de musique de chambre, sur des standards, des compositions personnelles, des tubes pop ou des chants traditionnels juifs, Herman construit peu à peu un monde musical aux paysages rythmiques singuliers et peuplés de mélodies traitées avec vigueur et modernité. Everyday n’échappe pas à la règle et s’inscrit pleinement dans la continuité des précédents opus.

Eight Winds - Sokratis Sinopoulos

Eight Winds
Sokratis Sinopoulos Quartet
Sokratis Sinopoulos (lyre), Yann Keerim (p), Dimitri Tsekouras (b) et Dimitri Emanouil (d).
ECM – 472 9408
Sortie le 28 août 2015

Eight Winds est le premier disque de Sokratis Sinopoulos sous son nom. Il sort chez ECM le 28 août 2015. Sinopoulos joue de la politiki lyra, appelée aussi klâsik kemençe en Turquie, d’où elle est originaire, puisque cette vièle à trois cordes frottées vient de la ville de Constantinople.

Sinopoulos est accompagné de son trio rythmique habituel : Yann Keerim au piano, Dimitri Tsekouras à la contrebasse et Dimitri Emanouili à la batterie.

Les dix morceaux sont signé Sinopoulos et deux prises d’« Eight Winds » et de « 21st March » figurent au programme. La plupart des titres font référence à la Grèce : « Thrace » pour la région écartelée entre la Bulgarie, la Grèce et la Turquie ; « Yerma » est une ville du sud du Péloponèse ; « Eight Winds » fait référence à  la tour des vents d’Athènes ; « 21st March » peut être une allusion à la prise de Kalavryta, dans le Pélopoèse, par les insurgés lors de la guerre d’indépendance grecque contre l’Empire Ottoman ; « Aegean Sea » est explicite… ; « In Circles » et « Street Dances » évoquent les danses traditionnelles grecques…  

Sinopoulos met la sonorité aigrelette et fragile de la lyre au service de mélodies douces (« Aegean Sea »), de mélopées langoureuses (« 21st March »), de complaintes nostalgiques (« Eight Winds »), de chants folkloriques (« Thrace », « Lyric »), d’airs solennels (« Forever »)… L’accompagnement de Tsekouras et Emanouili est tout en finesse : les lignes souples, fluides et riffs entraînants du contrebassiste complètent la frappe délicate, subtile et minimaliste du batteur. Le piano de Keerim apporte un relief salutaire. Il souligne habilement les phrases de Sinopoulos (« Eight WInds »), place des contrepoints élégants (« Yerma »), joue des lignes parallèles subtiles (« In Circles ») et laisse libre-court à son lyrisme («Lyric »). Eight Winds a des points communs avec Silk Moon, duo de Renaud Garcia-Fons avec Derya Türkan, qui joue également de la lyre et a enregistré Letter From Istanbul avec Sinopoulos.

Le parfum moyen-oriental légèrement précieux de la lyre se marie joliment avec l‘arôme raffiné du trio jazz…

Wild Dance - Enrico Rava

Wild Dance
Enrico Rava Quartet
Enrico Rava (tp), Francesco Diodati (g), Gabriele Evangelista (b) et Enrico Morello (d), avec Gianluca Petrella (tb).
ECM – 473 2228
Sortie le 28 août 2015

Voilà près de quarante ans qu’Enrico Rava enregistre pour ECM (depuis The Plot – 1977). Le trompettiste transalpin revient sur disque avec un nouveau quartette constitué de Francesco Diodati à la guitare, Gabriele Evangelista à la contrebasse et Enrico Morello à la batterie. Le trombone Gianluca Petrella, déjà présent sur Easy Living, apporte également sa contribution.

Si Rava signe les quatorze morceaux – « Improvisation » est collectif –, il reprend un certain  nombre de thèmes composés il y a quelques années, dont « Diva » (Noir – 1997), « Infant » (Animals – 1987), « Sola » (Quotation Mark – 1974), « F. Express » (Quatre – 2006), « Cornette » (Secrets – 1986),  « Overboard » (Nausicaa – 1993), « Monkitos » (variante du « Monky Tonk » de Secrets)…

Comme Wild Man Dance de Charles Lloyd, sorti en 2014, Wild Dance est plutôt introspectif que débridé. Mélodies raffinées (« Space Girl »), approche néo hard-bop (« Infant »), thème entraînant (« Frog ») ou lyrisme appuyé (« Wild Dance ») : quelque-soit la situation, Rava reste élégant (« Not Funny ») et sa trompette, parfois légèrement réverbérée (« Diva »), navigue entre des contrepoints recherchés (« Don’t »), des unissons vifs (« Happy Shades ») et un minimalisme emphatique (« Overboard »). Petrella joue le jeu de Rava et nage comme un poisson dans l’eau dans les ambiances neo Hard-Bop (« Cornette »), les dissonances « colemaniennes » (« Wild Dance ») et autres atmosphères dansantes (« Don’t »). Diodati, Evangelista et Morello forment un écrin rythmique idéal pour Rava : aux foisonnements subtils de la batterie (« Sola »), répondent les riffs et pédales malicieux de la basse (« F. Expess »), complétés par les lignes sobres de la guitare (« Infant »), qui sait aussi renforcer habilement le discours de la trompette (« Overboard »).


Wild Dance enchevêtre lyrisme et dynamisme, sans jamais se départir d’un tact, devenu une marque de fabrique de Monsieur Rava.

In The Morning - Stefano Battaglia

In The Morning
Stefano Battaglia Trio
Stefano Battaglia (p), Salvatore Maiore (b) et Roberto Dani (d).
ECM – 473 8673
Sortie le 28 août 2015

Aussi à l’aise dans la musique baroque et contemporaine que dans le jazz, Stefano Battaglia s’inscrit dans la lignée de Bill Evans et Keith Jarrett. Depuis Raccolto, enregistré en 2005 pour ECM, cinq autres disques ont suivi. Après The River Of Anyder (2011) et Songways (2013), In The Morning est le troisième de son trio, constitué de Salvatore Maiore à la contrebasse et Roberto Dani à la batterie.

Les sept morceaux d’In The Morning sont consacrés au compositeur Alec Wilde, dont deux de ses plus célèbres compositions : « Moon And Sand » (1941) et « Where Do You Go? » (1959). De sa formation classique, Battaglia conserve une indépendance des mains qui lui permet de passer avec adresse d’un accompagnement mélodique à un soutien rythmique (« In The Morning »). Mme si son jeu lorgne souvent vers la musique contemporaine (« Chick Lorimer »), une pointe de romantisme perce ça-et-là (« When I Am Dead My Dearest »). Les ostinatos (« In The Morning »), les questions-réponses et autres dialogues avec la contrebasse (« Chick Lorimer »), mais aussi la gestion de la tension (« Where Do You Go? »), rappellent Jarrett. Quant au lyrisme et à l’organisation du trio, ils évoquent également Evans (« In The Morning »). Maiore met sa sonorité ronde et puissante au service du piano (unissons, réponses, contrepoints…) et prend des solos emmenés de main de maitre (« The Lake Isle of Innisfree »). Le jeu emphatique (« The Lake Isle of Innisfree ») ou discrètement entraînant (« River Run ») de Dani stimule le trio et instille constamment une pulsation subtile.

La musique d’In The Morning est d’une intensité élégante que Battaglia épice de touches contemporaines originales.

Upriver - Armel Dupas

Upriver
Armel Dupas
Armel Dupas (p), avec Mathieu Penot (électro), Chloé Cailleton (voc) et Lisa Cat-Berro (as).
Jazz Village – JV 9570086
Sortie le 25 août 2015

Sorti du CNSDMP, Armel Dupas intègre la formation de Sandra Nkaké, avant de créer WaterBabies avec Corentin Rio. En 2014, le pianiste rejoint le Sky Dancers Sextet d’Henri Texier. Au milieu de ces activités, Dupas a trouvé le temps d’enregistrer Upriver, qui sort le 25 août 2015 chez Jazz Village.

Upriver est un disque en solo, rehaussé d’effets électro signés Mathieu Penot et d’un morceau – «  Aujourd’hui il a plu » – dans lequel la voix de Chloé Cailleton et le saxophone alto de Lisa Cat-Berro lui prêtent main forte. Dupas signe les onze thèmes (sauf « Aujourd’hui il a plu », cosigné avec Jean Guidoni).

Dupas a un sens de la mélodie qui marie aussi bien les compositeurs du début du vingtième (« La vie d’avant »), que les romantiques (« Petite Bretonne », « L’éveil de l’ingénu »), la musique de film (« Sometimes I Need Some Time ») ou encore les chansons à texte (« Aujourd’hui il a plu »). Même dans des ambiances tranquilles (« Upriver ») et nostalgiques (« Garimpeiro »), les développements du pianiste restent sous tension, renforcée par le contraste entre les ostinatos (« Her Secret Love ») et autres pédales (« La vie d’avant ») et les lignes sinueuses ou les crépitements de la main droite (« Les plaines de Mazerolles »).

Entamer sa carrière discographique sous son nom par un solo est un beau pari, que Dupas remporte sans conteste : à la fois mélodieux et ferme, Upriver est la première pierre d’un édifice musical prometteur.


12 septembre 2015

A la découverte d’… Edward Perraud

De l’Acoustik Lousadzak au Synaesthetic Trip, en passant par le Mec duo, Bitter Sweets, Das Kapital… sans oublier ses expositions photographiques (Portraits d’Amérique centrale au Triton), ses peintures, ses textes… Edward Perraud est un percussionniste hyperactif, avide de sensations !


La musique

Depuis ma plus tendre enfance – dès l’âge de quatre ans – j’ai toujours ressenti un étrange magnétisme pour la batterie : un instrument aussi fascinant visuellement que physiquement… Pourtant, j’apprends d’abord la guitare à huit ans, puis, quelques années plus tard, à treize ans, je mets à la batterie. Suivront les percussions classiques, à seize ans, et le piano, vers dix-sept ans…

J’avais quinze ans quand j’ai véritablement découvert le jazz… Après une partie de tennis ! A l’époque je jouais du rock métal. Mon adversaire me dit : « j'ai appris que tu faisais de la batterie ? J'ai beaucoup de disques chez moi. Si tu veux venir en écouter… Ce n’est pas du hard rock, mais ça peut t'intéresser ». Cet homme s'appelle Patrick Gentet. Pendant une dizaine d’années, il a été mon précepteur en musique. Il avait quinze ans de plus que moi et c’est l’un des fondateurs du magazine Improjazz... Ma vie musicale a basculée.

Après mon bac musique, j’ai passé une maîtrise de musicologie, suivie d’un DEA à l’Ircam avec Hugues Dufourt. Ensuite, j’ai intégré la classe d’analyse de Michaël Levinas au CNSMDP. J’assistai aussi, en auditeur libre, à l’enseignement de Jean-François Jenny Clark et Daniel Humair. J’ai également suivi les cours de musique indienne de Patrick Moutal et Ramon Lopez. Après avoir été dans la classe d’ethnomusicologie de Gilles Léautaud, je suis sorti du CNSDMP avec un premier prix… J’avais vingt-sept ans !

Les influences

Tous les musiciens que j'ai croisés plus que du regard… m’ont influencé ! Et les grands maîtres du passé... Sans oublier les musiques extra-européennes, d’Inde, d’Afrique ou d’ailleurs... Mais leurs influences ne font que commencer ! La musique est, avec le cinéma et la peinture, ce qui m'inspire le plus pour composer. Pour moi, le plaisir d'écouter de la musique est équivalent à celui d'en jouer... Ce n’est pas peu dire !



Cinq clés pour le jazz

Qu’est-ce que le jazz ? Le jazz est un adolescent qui apprend toutes les musiques en même temps... Il est jeune, avec un avenir prometteur... Il est la musique savante la plus populaire et inversement ...

Pourquoi la passion du jazz ? Le jazz est passionnant parce qu’il touche en surprenant...

Où écouter du jazz ? D’abord en concert… Les disques ne viennent qu’ensuite... Mais le concert c'est  un moment de rituel magique...

Comment découvrir le jazz ? Pour découvrir le jazz, il faut le découvrir réellement. Je veux dire qu’il faut le mettre à nu, sans a priori... L'écouter et se laisser aller… Il est tellement multiple...

Une anecdote autour du jazz ? Pierre Desproges a dit « il n'y a que quatre-vingts ans entre la mort de Napoléon et la naissance de Louis Armstrong ». Pour ma part, je suis né l'année où Armstrong et Igor Stravinski meurent... en 1971.

Le portrait chinois

Si j’étais un animal, j'essayerais d'être un homme qui pense à retrouver la part de l'animal de jadis qui faisait corps avec la nature… Et pas celui qui ne pense qu'à sa propre extension... Cet animal que nous avions en nous a disparu... Alors j’essayerais de le retrouver, pour penser d'avantage à la nature, à la faune et à la flore… Théodore Monod pose la question à l’homme : « qui t'a fait roi ? »…

Si j’étais une fleur, je serais l'agave qui ne fleurit qu'une seule fois… Il fleurit puis il meurt... Mettre toute sa vie à fleurir et mourir… Cela me fait penser à Michel de Montaigne : « tous les jours vont à la mort, le dernier y arrive ».

Si j’étais un fruit, je serais une cerise. J'aime son goût et ses couleurs variées… Et le temps des cerises, c'est ma saison préférée sous nos latitudes...

Si j’étais une boisson, je serais un vin qui me surprenne... Blanc ou rouge ! Que je partagerais avec des amis en parlant d'art...

Si j’étais un plat, je serais une purée de pomme de terre montée au beurre, parfumée aux truffes...

Si j’étais une lettre, je serais le E… Je l'aime... Sans doute parce que c'est la première lettre de mon prénom... Une lettre sur laquelle on peut mettre beaucoup d'accents...

Si j’étais un mot, je serais Amour... On en a jamais assez ! On utilise souvent ce mot superficiellement... Et sans amour il n'y aurait rien... Ni personne... En théorie...

Si j’étais un chiffre, je serais le 0... C'est l'une des plus belles inventions mathématiques… L'abstraction absolue.

Si j’étais une couleur, je serais le rouge, sa vivacité, le sang, la vie... la mort…

Si j’étais une note, je serais le sol, car pour s'élever il faut toujours partir de là...

Les bonheurs et regrets musicaux

Tous les opus sur lesquels j'ai passé du temps...

Je n'ai aucun regret : les frustrations que j’ai pu avoir ici et là m'ont transformé et ont fait partie intégrante de mon processus de développement... J'ai un moteur « diesel » qui met du temps à chauffer, mais je sens qu'il peut aller très loin… Son carburant, ce sont les belles et moins belles choses qui m'arrivent...


Sur l’île déserte…

Sur une île déserte... J'emporterais le souvenir de toute la peinture, de la musique, du cinéma, de la photographie etc. que j'ai vu et aimé... Je ne peux rien choisir en particulier, car d'un jour à l'autre j'ai des envies différentes... J'aime le souvenir et le désir des choses, plutôt que les choses elles même !... Et aucun loisir ! Je déteste ce mot ! Juste le loisir de se remémorer le bonheur de s'être délecté de tous ces domaines de la création et du savoir…

Les projets

Aujourd'hui, je veux faire tourner mon Synaesthetic Trip dans le monde entier. Mais aussi poursuivre la complicité avec Philippe Torreton. Ensuite, écrire et enregistrer un nouveau répertoire pour un trio piano – contrebasse – batterie. Et puis avoir un groupe américain... et composer toujours d'avantage !

Trois vœux…

Un monde sans violence...

Voir grandir mes enfants le plus longtemps possible

Jouer dans les plus belles salles de concerts du monde avec mes amis musiciens...